HENRYKA LESNIEWSKA : Faire face à la maladie d'Alzheimer

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Photo d'HENRYKA LESNIEWSKA
A travers cette interview, découvrez la démarche optimiste du dernier ouvrage d'Henryka Lesniewska : 

Faire face à la maladie d'Alzheimer - Prévenir, surmonter, ralentir,

premier guide s'adressant directement aux patients.

1 / Votre ouvrage est un guide qui s’adresse directement aux patients. En quoi cette démarche est-elle nouvelle ?

Il existe deux grands types d’attitude vis-à-vis de cette maladie :

A : Le premier, catastrophiste (généralement pratiqué par les média), consiste à dramatiser : on donne à voir des situations désolantes, on présente des chiffres effrayants et des prévisions épouvantables pour un proche avenir : ceci peut se justifier par un objectif de sensibilisation du public, l’aboutissement à des diagnostics précoces, l’obtention d’aides financières provenant de l’Etat ou de généreux donateurs privés. Il s’inscrit également dans une tradition française de pessimisme, d’alarmisme, qui induit à penser que pour faire bouger les choses il convient de provoquer, dramatiser, d’exacerber la peur…

Ainsi les films présentés à la télévision ces dernières années montrent des patients au stade de l’aphasie, de l’apraxie, de l’agnosie (les fameux trois « a ») bien capables de susciter panique et désespoir chez les malades et leurs familles.

B : Le second, que je me suis fixé comme objectif à développer, est tout à fait à l’opposé : depuis des années, dans mes articles et mon précédent ouvrage, je lutte contre cette image catastrophiste de la maladie qui stigmatise les patients, en montrant des exemples de malades créatifs, rencontrés dans les ateliers d’art ou de musique.

Cette attitude consiste  à présenter un autre regard, à suggérer des actions à entreprendre, à montrer des exemples de créativité manifestés par des personnes malades, à démontrer que ce n’est pas parce qu’on oublie certaines choses qu’on n’éprouve plus d’émotions, qu’on ne peut plus participer à la vie active ou créative et qu’il faut donc s’asseoir et attendre la mort !

Mes propositions s’inscrivent dans un mouvement de pensées positives, elles puisent également leurs forces dans le courant de résilience développé si brillamment par Boris Cyrulnik, mais surtout dans ma longue expérience de travail en gériatrie (depuis 1984) au cours duquel j’ai pu voir évoluer plus de 5000 personnes aux différents stades de la maladie, pendant des années. Cette expérience très riche et intéressante m’a permis de considérer cette maladie différemment : on rencontre ainsi de nombreuses surprises, même au stade avancé, des éléments étonnants de poésie dans le langage, le sens de l’humour, des pas de tango esquissés avec grâce, des tableaux aux formes et couleurs d’une beauté surprenante…

Cette approche commence à faire une timide apparition : ainsi j’ai vu il y a quelques jours une affiche élaborée par la « Fondation pour la recherche sur Alzheimer » représentant un vieux couple qui danse avec cette légende magnifique : « Alzheimer, on peut l’avoir et continuer à être ».

Donc la nouveauté de mon ouvrage consiste à proposer un guide pour les patients eux-mêmes, d’une vie possible, pourquoi pas agréable, malgré la maladie, qui d’ailleurs n’est pas mortelle en soi, puisque l’on peut ainsi vivre des années avant que les troubles ne s’installent. Evidemment, je m’adresse surtout  aux personnes qui ont des troubles de mémoire au stade débutant, voire sans qu’un diagnostic n’ait été pratiqué et qui, peut-être, vont mourir dans une dizaine d’années… d’une autre maladie ! (Ceci me remet en mémoire le cas d’une patiente atteinte du SIDA, qui désespérée par le décès de son frère, s’est donné la mort un an avant la découverte des trithérapies !).


2/ Même s’il n’existe pas de traitement définitif pour la maladie d’Alzheimer, retarder ses effets serait possible. Quels défis votre ouvrage propose-t-il de relever pour y parvenir ?

Dans l’incapacité où nous sommes de proposer à l’heure actuelle un traitement efficace pour empêcher le déclenchement, ou soigner et résorber les troubles apparus, il est capital d’agir sur tous les autres facteurs régissant l’existence du malade, en particulier sur ceux relevant du champ de la psychologie. Par exemple, de nombreuses études publiées ces dernières années concluent que la dépression est associée à la maladie d’Alzheimer, sans que l’on sache bien si elle augmente le risque de survenue de la maladie ou si elle en est sa manifestation précoce. Il est donc important de traiter la dépression lors d’une psychothérapie. Je suis étonnée qu’actuellement il n’y ait que peu de psychologues employés dans des Consultations de Mémoire pour proposer une psychothérapie, comme on le fait depuis un certain temps dans les services de cancérologie.

D’autres facteurs sont à prendre en compte : tels que la maîtrise de l’anxiété, l’hygiène de la mémoire, la gestion du stress, le développement du réseau de soutien, l’affirmation de soi ou l’augmentation des activités épanouissantes. Il convient également de ne pas négliger les modalités pratiques de l’existence : choix du lieu de résidence, alimentation adaptée et activités physiques.

En effet, l’expérience sur de nombreux cas démontre à l’envi que tous ces facteurs influent sur l’évolution plus ou moins rapide de la maladie et que la vie « stimulante », les pratiques artistiques (peinture, musique, danse) et surtout la recherche d’une existence équilibrée et heureuse sont autant de freins à une éventuelle dégradation.


3/ Enfin, pouvez-vous nous expliquer de quelle façon votre guide doit être lu/utilisé ?

A : Première étape

Parcourez tout le livre, déterminez la situation qui vous correspond le plus (ou celle de la personne proche que vous souhaitez aider) et notez les chapitres et parties qui vous semblent les plus pertinents et intéressants.

B : Deuxième étape 

Relisez plusieurs fois les chapitres dédiés à la mémoire et faites les achats conseillés (agendas, carnets…), imprimez ou photocopiez les exercices et effectuez-les au moins une fois chaque jour (20 minutes), puis préparez-en d’autres, en vous inspirant de  ceux proposées au fil des  chapitres et dans les annexes. 

C : Dans un troisième temps, il vous faudra lire et relire les chapitres qui vous concernent. Ainsi si vous vous sentez actuellement triste et découragé, lisez le chapitre sur la dépression : remplissez le questionnaire, déterminez votre score et suivez les recommandations. Et ainsi de suite : si vous vous sentez seul, lisez le chapitre intitulé « comment se faire des amis ». Il est également conseillé d’imprimer (photocopier) les exercices correspondants à faire puis de les remplir selon les indications.

D : Lisez un chapitre par jour, jusqu’à assimilation parfaite du contenu, en faisant les exercices proposés.

E : Eventuellement, affichez les annexes imprimées ou photocopiées, surtout les pensées positives concernant la maladie.